Analyses & Studies
Lettre Ă©conomique d'AEOI - PĂȘche et aquaculture en AEOI
Rédigé par SER de Nairobi et SE de l'AEOI ⹠Publié le 15 février 2023
Retrouvez chaque mois cette lettre des actualités économiques, préparée par le service économique régional de Nairobi, les services économiques d'Addis-Abeba, Tananarive, Dar Es Salam, Kampala et Khartoum, et les Ambassades de France au Rwanda et à Djibouti.
La zone AEOI bĂ©nĂ©ficie de nombreuses façades maritimes et lacustres qui offrent une diversitĂ© dâespĂšces de poissons, mollusques, crustacĂ©s et plantes aquatiques. NĂ©anmoins, le potentiel de la pĂȘche et de lâaquaculture (continentales et marines) reste encore sous-exploitĂ© avec des productions halieutiques ne reprĂ©sentant que 22% de la production en Afrique subsaharienne. La consommation de poissons reste Ă©galement plutĂŽt faible, notamment dans la Corne de lâAfrique, et la moitiĂ© des pays de la zone seulement sont autosuffisants en produits halieutiques, avec une dĂ©pendance aux importations qui reste toutefois stable depuis une vingtaine dâannĂ©es. MalgrĂ© ce potentiel de dĂ©veloppement, les secteurs de la pĂȘche et de lâaquaculture en AEOI doivent faire face Ă de nombreux enjeux : : manque dâinfrastructures et de financements, Ă©puisement des ressources Ă proximitĂ© des littoraux, pĂȘche INN, ou encore pollution des eaux marines et continentales, avec un lac Tanganyika nommĂ© en 2017 « Lac le plus menacĂ© de lâannĂ©e ».
Une rĂ©gion dotĂ©e dâun grand linĂ©aire de façades maritimes et lacustres
10 des 15 pays de la rĂ©gion dâAEOI ont une façade maritime tandis que quatre autres bĂ©nĂ©ficient de masses dâeau importantes sur leur territoire. Les pays de lâOcĂ©an Indien bĂ©nĂ©ficient de zones de pĂȘche importantes, notamment les Seychelles qui possĂšdent la plus grande ZEE de lâAEOI estimĂ©e Ă 1,34 millions de km2, suivie de la ZEE mauricienne qui sâĂ©tend sur 1,28 millions de km2. Les pays de la Corne de lâAfrique et notamment lâErythrĂ©e et la Somalie ont Ă©galement des ZEE et un linĂ©aire cĂŽtier important, la Somalie possĂšde par exemple le deuxiĂšme linĂ©aire le plus long dâAEOI aprĂšs Madagascar et le plus long dâAfrique continentale. Les pays enclavĂ©s ne sont pas lĂ©sĂ©s puisquâils se situent dans la rĂ©gion des Grands Lacs et bĂ©nĂ©ficient dâĂ©tendues dâeau douce importantes, notamment la Tanzanie et lâOuganda grĂące au lac Victoria. Ces deux pays ont effectivement les deux plus grandes surfaces dâeaux continentales dâAEOI (61 500 km2 pour la Tanzanie â plus grand que la RĂ©gion Grand Est, et 41 030 km2 pour lâOuganda), respectivement les 2Ăšme et 3Ăšme plus grandes surfaces dâeaux continentales dâAfrique, derriĂšre la RDC.
On note toutefois quelques contentieux au niveau des ZEE, notamment dans la Corne de lâAfrique entre le Soudan et lâEgypte, entre Djibouti et lâErythrĂ©e ou entre le Kenya et la Somalie. Dâautres zones sont revendiquĂ©es dans lâOcĂ©an Indien par certains pays(Madagascar pour les Iles Eparses, Maurice pour lâIle Tromelin, et lâarchipel des Comores).
La pĂȘche domine encore largement lâaquaculture
Une production halieutique en hausse de + 81 % en 20 ans. La production halieutique en AEOI augmente de maniĂšre relativement constante depuis les annĂ©es 1950. La pĂȘche continentale est toutefois le secteur qui connaĂźt la croissance la plus rapide : la production a explosĂ© de 1700% entre 1950 et 2020. Lâaquaculture se fait quant Ă elle une place depuis les annĂ©es 1990. La mariculture connaĂźt toutefois un dĂ©veloppement plus prĂ©coce tandis que lâaquaculture continentale commence sa croissance en 2006.
Une production issue de la pĂȘche assez diversifiĂ©e, tandis que lâaquaculture est dominĂ©e par deux espĂšces. Les captures sont principalement issues de la pĂȘche continentale : 1 198 407 T en moyenne annuelle entre 2018 et 2020, lĂ oĂč la pĂȘche marine apporte 466 000 T par an. LâĂ©cart entre aquaculture marine et continentale est moins marquĂ© : les productions annuelles sont respectivement de 162 000 T et 115 000 T. Les espĂšces capturĂ©es sont plutĂŽt variĂ©es, bien que le Silver cyprinid et la Perche du Nil reprĂ©sentent respectivement 18% et 13% des captures. Lâaquaculture est dominĂ©e par trois espĂšces : le Tilapia du Nil (43% de la production), lâalgue rouge Spiny eucheuma (36%) et le Poisson-chat nord-africain (15%).
22% de la production halieutique dâAfrique subsaharienne. La production est dominĂ©e de loin par lâOuganda et la Tanzanie, qui reprĂ©sentent respectivement 7,40% et 6,75% de la production halieutique en Afrique de lâEst. La Tanzanie est le champion dâAfrique Subsaharienne pour la production dâalgues puisquâelle reprĂ©sente 83% des plantes aquatiques produites (notamment grĂące aux Ăźles de Zanzibar). LâAfrique de lâEst constitue cependant une part relativement faible dans les productions aquatiques dâAfrique Subsaharienne.
Une consommation faible et en baisse et une dépendance hétérogÚne aux importations
Une consommation faible et en baisse de poissons et autres produits halieutiques. La consommation moyenne de produits halieutiques en AEOI Ă©tait de 10,7 kg/pers/an en 2022, en baisse de 21% par rapport Ă 2010. Notons que ce chiffre est rĂ©haussĂ© par les Seychelles et Maurice, seuls pays de la zone Ă avoir une consommation supĂ©rieure Ă la moyenne mondiale. Lâapport protĂ©ique issu des produits aquatiques reprĂ©sente une faible part dans lâapport protĂ©ique total : aux alentours de 8% pour Maurice, Ouganda et Comores, moins de 3% pour les autres pays de la zone, lĂ oĂč la moyenne mondiale est Ă 7%. Cette part connaĂźt parfois des valeurs extrĂȘmes, comme en Ethiopie oĂč la contribution des poissons, mollusques, crustacĂ©s Ă lâapport protĂ©ique nâest que de 0,24%. Les produits consommĂ©s sont en majoritĂ© des poissons marins, les crustacĂ©s ou mollusques reprĂ©sentent une faible part des apports, tandis quâaucune consommation de plantes aquatiques nâest enregistrĂ©e. En Ouganda nĂ©anmoins, la part de protĂ©ines issues de la pĂȘche et de lâaquaculture reprĂ©sente plus de 36% des protĂ©ines dâorigine animale consommĂ©es.
Une dĂ©pendance aux importations qui reste stable depuis la fin des annĂ©es 2000. Avec une production en hausse de +4,5% par an en moyenne, le niveau dâimportation reste stable et stagne autour de 300 000 T, avec un pic Ă 370 000 T en 2016. Seule la moitiĂ© des pays de la zone AEOI sont auto-suffisants en poissons, mollusques, crustacĂ©s : câest le cas de lâEthiopie, Madagascar, Seychelles, Soudan, Sud-Soudan, Ouganda et Tanzanie. Mis Ă part Djibouti, Maurice et le Rwanda qui ont des Self Sufficient Ratio (SSR) assez bas (respectivement 54%, 52%, 43%), le reste de lâAEOI a un niveau dâautosuffisance plutĂŽt satisfaisant qui oscille autour de 80%. Certains pays ont toutefois un taux de dĂ©pendance aux importations (IDR) trĂšs Ă©levĂ©s (Tableau 1) car ils importent des produits bruts pour les transformer ou les conditionner : câest notamment le cas de Maurice et des Seychelle.
Des exportations relativement faibles et qui stagnent depuis 2016. Les pays de la zone AEOI exportent relativement peu, mis Ă part Maurice, les Seychelles et le Rwanda qui exportent respectivement 614%, 150% et 34% de leur production. Ces chiffres Ă©levĂ©s sont toutefois en majoritĂ© des rĂ©exportations et non de lâexport de denrĂ©es issues du pays. Les pays de la Corne de lâAfrique ont quant Ă eux des exportations quasi-nulles : 16 T pour Djibouti et 560 T pour lâEthiopie, reprĂ©sentant respectivement 0,8% et 1% de leur production.
Des défis communs
Une pĂȘche encore artisanale, un secteur de la transformation rĂ©duit et un dĂ©ficit dâinfrastructures, dâoĂč des pertes post-rĂ©coltes frĂ©quentes. Les pĂȘcheurs sont principalement des pĂȘcheurs artisanaux, disposant dâoutils et techniques rudimentaires. Hormis en OcĂ©an Indien, les productions sont globalement peu destinĂ©es Ă lâexport. Par ailleurs, en raison de l'insuffisance des infrastructures de conservation, les poissons sont souvent vendus directement aprĂšs la rĂ©colte, sans valeur ajoutĂ©e et donc Ă des prix relativement faibles. La transformation de poissons est insuffisante et ce secteur fonctionne souvent en dessous de la capacitĂ© installĂ©e ou a une capacitĂ© de transformation assez faible : 100 T/jour pour la plus grosse usine au Kenya par exemple. La transformation et la rĂ©frigĂ©ration Ă©tant limitĂ©es, des pertes post-rĂ©coltes sont par consĂ©quent souvent enregistrĂ©es. Deux exceptions dans le secteur de la transformation du poisson se dĂ©gagent notamment au sein de lâAEOI : câest le cas de Maurice et des Seychelles spĂ©cialisĂ©s dans lâexport de conserves de thon.
Les dĂ©fis de la surpĂȘche et de la pĂȘche INN qui menacent les stocks de poissons. Les infrastructures de pĂȘche Ă©tant peu dĂ©veloppĂ©es, certaines zones sont surpĂȘchĂ©es, les navires ne pouvant pas sâaventurer plus loin dans les eaux. Dans les eaux continentales, la pression sur les ressources aquatiques est Ă©galement forte, les gouvernements sont parfois obligĂ©s de suspendre les pĂȘches pendant plusieurs mois, notamment sur les lacs Kivu et Tanganyika. Cette surpĂȘche est en partie due Ă la pĂȘche INN qui a lieu aussi bien dans les eaux continentales quâen mer, et que les gouvernements peinent Ă endiguer.
Une pollution qui menace les eaux intĂ©rieures : le lac Tanganyika Ă©lu lac le plus menacĂ© en 2017. A la surpĂȘche viennent effectivement sâajouter des problĂ©matiques de pollution de lâeau, notamment dans les lacs Tanganyika et Victoria qui subissent bien souvent les effluents non traitĂ©s des villes et villages alentours. La forte concentration en nutriments dans les eaux entraĂźne une rĂ©duction de la teneur en oxygĂšne et une prolifĂ©ration dâalgues et de plantes invasives comme la jacinthe dâeau. La surpĂȘche et la pollution ont valu au lac Tanganyika la triste dĂ©nomination « lac le plus menacĂ© de lâannĂ©e 2017 ».
Les intrants : un frein au dĂ©veloppement de lâaquaculture qui pourrait toutefois ĂȘtre une solution pour la sĂ©curitĂ© alimentaire. De nombreux pays de la zone ont identifiĂ© lâaquaculture comme secteur pouvant rĂ©pondre en partie aux problĂ©matiques dâinsĂ©curitĂ© alimentaire. Son dĂ©veloppement, hormis en Ouganda qui est le deuxiĂšme producteur en Afrique Subsaharienne, reste assez limitĂ©, notamment par les enjeux dâapprovisionnement en intrants. Le secteur de lâalimentation animale est effectivement encore peu dĂ©veloppĂ© et lâapprovisionnement en alevins reste dĂ©licat.
Les accords de pĂȘche : un lien fort avec lâUnion EuropĂ©enne
Une relation forte entre lâUE et lâOcĂ©an Indien. LâEspagne et la France disposent des plus grandes flottes de pĂȘches europĂ©ennes dans lâOcĂ©an Indien. LâUnion europĂ©enne possĂšde trois accords de pĂȘche en OcĂ©an Indien actuellement en vigueur : Ă Maurice, Madagascar et aux Seychelles. La pĂȘche la plus pratiquĂ©e dans l'OcĂ©an Indien occidental est la pĂȘche Ă la senne, dominĂ©e par les senneurs europĂ©ens qui reprĂ©sentent environ deux tiers du total des captures. Trois espĂšces de thons sont ciblĂ©es en majoritĂ© : le Listao (Katsuwonus pelamis), l'Albacore (Thunnus albacares) et le Thon obĂšse (Thunnus obesus). La flotte de senneurs Ă senne coulissante de l'UE est constituĂ©e de grands navires, mesurant entre 60 et 90 mĂštres. En 2015, on comptait 30 navires actifs, dont 17 espagnols, 12 français et 1 italien. La flotte palangriĂšre de l'UE dans la rĂ©gion est beaucoup moins importante dans sa catĂ©gorie que la flotte de senneurs Ă senne coulissante (reprĂ©sentant environ 10 % du total des captures palangriĂšres dans la zone en 2007-2011), dans un secteur dominĂ© par les flottes asiatiques. En 2015, la flotte palangriĂšre française se composait de 20 navires, relativement petits.
LâUnion europĂ©enne et la France : une forte prĂ©sence dans lâOcĂ©an Indien. La France, qui a la deuxiĂšme plus grande ZEE au monde derriĂšre les Etats-Unis, est le seul Etat membre de lâUE Ă ĂȘtre prĂ©sent en AEOI. Sa ZEE sâĂ©tend sur 693 306 km2 dans la rĂ©gion grĂące Ă la RĂ©union, Mayotte et aux Iles Europa, Bassas da India et Juan de Nova (Iles Eparses).
La Commission des Thons de lâOcĂ©an Indien (CTOI) : organe dâencadrement des pĂȘches en OI. La CTOI est une ORGP (organisation rĂ©gionale de gestion des pĂȘches) et est en charge de la gestion durable de la pĂȘche des thons et espĂšces apparentĂ©es en OcĂ©an Indien. Les espĂšces non couvertes par la CTOI sont gĂ©rĂ©es par une autre ORGP, lâAccord relatif aux pĂȘches dans le sud de lâocĂ©an Indien (APSOI). Cet accord a pour principal objectif dâassurer la conservation et lâutilisation durable des espĂšces non thoniĂšres dans la zone. Les parties de cet accord sont les Ăźles Cook, la Chine, la RĂ©publique de CorĂ©e, lâAustralie, les Comores (partie non contractante), la France et ses territoires, le Japon, Maurice, les Seychelles, la ThaĂŻlande et lâUE.
Une volontĂ© dâencourager le dĂ©veloppement de lâaquaculture mais des politiques publiques encore timides
Lâaquaculture est identifiĂ©e comme une solution au renforcement de la sĂ©curitĂ© alimentaire. MalgrĂ© une organisation du secteur Ă amĂ©liorer, lâaquaculture (continentale et marine) sâest dĂ©veloppĂ©e ces derniĂšres annĂ©es et est aujourdâhui considĂ©rĂ©e comme une filiĂšre porteuse pour lutter contre lâinsĂ©curitĂ© alimentaire. Les programmes se dĂ©veloppent dans la CommunautĂ© dâAfrique de lâEst, notamment au Kenya et au Burundi, mais ne sont pas encore priorisĂ©s dans la Corne de lâAfrique.
Une rĂšglementation incomplĂšte dans la Corne de lâAfrique et une difficultĂ© Ă endiguer les pĂȘches INN. Bien que le secteur de lâaquaculture-pĂȘche se dĂ©veloppe, la portĂ©e des programmes de dĂ©veloppement reste trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšne au sein de la zone AEOI. La Corne de lâAfrique reste notamment plutĂŽt en retard quant aux politiques de pĂȘche : lâErythrĂ©e, par exemple, ne possĂšde pas de programme de planification, et peine Ă endiguer les problĂ©matiques de pĂȘche INN, touchant notamment la Somalie. Cette menace est toutefois mieux maĂźtrisĂ©e sur les grands lacs, comme au Burundi et au Rwanda, oĂč les gouvernements mĂšnent des politiques drastiques envers les pĂȘcheurs illĂ©gaux et confisquent rĂ©guliĂšrement du matĂ©riel.
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