Analyses & Studies
Lettre économique d'AEOI - Le secteur aéroportuaire en AEOI
Rédigé par SER de Nairobi et SE de l'AEOI ⹠Publié le 06 avril 2023
Retrouvez chaque mois cette lettre des actualités économiques, préparée par le service économique régional de Nairobi, les services économiques d'Addis-Abeba, Tananarive, Dar Es Salam, Kampala et Khartoum, et les Ambassades de France au Rwanda et à Djibouti.
RĂ©gion la plus dynamique du continent sub-saharien en matiĂšre de trafic aĂ©rien, lâAEOI reprĂ©sentait, en 2019, 38 % du trafic passager et 80 % du volume de fret du continent. Les flux aĂ©riens restent Ă lâheure actuelle concentrĂ©s autour des deux principaux hubs aĂ©roportuaires rĂ©gionaux : lâaĂ©roport Bole dâAddis-Abeba et Jomo Kenyatta Ă Nairobi. Le dĂ©veloppement du secteur aĂ©roportuaire, de par sa forte intĂ©gration avec le secteur du tourisme, est considĂ©rĂ© comme stratĂ©gique pour de nombreux pays de la rĂ©gion qui souhaitent se positionner comme de nouveaux hubs passagers ou logistiques (Rwanda, Djibouti). Si de nouveaux projets, parfois de trĂšs grande ampleur, sont envisagĂ©s, certains font face Ă des difficultĂ©s de financement, dans un contexte de retrait progressif des bailleurs du secteur. La France reste un partenaire important, par lâapport de financements et la prĂ©sence de ses entreprises, actives sur des segments diversifiĂ©s (ingĂ©nierie, fournitures dâĂ©quipements, services aĂ©roportuaires).
LâAEOI sâaffirme comme une des rĂ©gions les plus dynamiques du continent en matiĂšre de trafic aĂ©rien
LâAEOI est progressivement devenue une des rĂ©gions les plus dynamiques du continent en matiĂšre de trafic aĂ©rien au cours des 20 derniĂšres annĂ©es. Elle reprĂ©sentait, en 2019, 38 % du trafic passager du continent sub-saharien (contre 30 % en 2010) avec prĂšs de 25,5 millions de voyageurs. Cette domination rĂ©gionale est dâautant plus forte en matiĂšre de fret puisque la rĂ©gion a vu transiter 80 % du volume de fret du continent sub-saharien en 2019 (contre 44 % en 2010).
MalgrĂ© une baisse importante de la frĂ©quentation des aĂ©roports au cours de lâannĂ©e 2020 liĂ©e Ă la pandĂ©mie de Covid-19, on peut noter une reprise partielle du trafic passager, qui nâest toutefois pas revenu au niveau de 2019 : 1,3 M de passagers Ă Maurice en 2022 (contre 1,7 M en 2019) ; 0,7 M Ă Madagascar (contre 1,1 en 2019). Certains pays sont toutefois confrontĂ©s Ă une diminution constante de la frĂ©quentation de leurs aĂ©roports, Ă lâinstar du Soudan du fait du contexte politique et Ă©conomique du pays.
Si plusieurs pays se rĂȘvent en hubs aĂ©roportuaires, lâEthiopie et le Kenya concentrent actuellement lâessentiel du trafic passager et de fret de la rĂ©gion, notamment pour ce qui est du transit. LâEthiopie, et lâaĂ©roport de Bole (ADD) Ă proximitĂ© dâAddis Abeba, a vu transiter 12,6 M de passagers en 2019, soit 49,6 % du trafic passager de lâAEOI et 19,1 % de celui du continent sub-saharien. Sâagissant du trafic de fret, ADD aurait traitĂ© sur lâannĂ©e fiscale 2021-2022, prĂšs de 768 000 t de fret, faisant de lâaĂ©roport le principal hub de fret aĂ©rien de lâAEOI, mais Ă©galement du continent. DeuxiĂšme hub aĂ©roportuaire de la rĂ©gion, Nairobi, essentiellement via lâaĂ©roport International Jomo Kenyatta (JKIA), a accueilli prĂšs de 6,4 M de passagers en 2019 et prĂšs de 363 000 t de fret au cours de lâannĂ©e 2021. Dâautres pays souhaitent renforcer leur positionnement en tant que hub aĂ©roportuaire dans la rĂ©gion. Le Rwanda a lâa ainsi annoncĂ©, dĂšs 2007 en initiant de nouvelles infrastructures aĂ©roportuaires, et avec, plus rĂ©cemment, un partenariat avec le Qatar. A lâĂ©chelle de la rĂ©gion de lâOcĂ©an Indien, Maurice, via son principal aĂ©roport, Sir Seewoosagur Ramgoolam, se positionne Ă©galement comme hub poussĂ© par la compagnie Air Mauritius. Tandis que Djibouti affiche des ambitions de hub logistique rĂ©gional, avec un projet de nouvel aĂ©roport international. Le niveau du trafic actuel, tant sur le segment passager que fret, de ces pays reste toutefois trĂšs en dessous des flux expĂ©rimentĂ©s par lâEthiopie et le Kenya.
Un secteur stratégique pour les pays de la région AEOI, perçu comme un vecteur de développement économique
Le dĂ©veloppement du secteur aĂ©roportuaire est priorisĂ© par de nombreux pays de la rĂ©gion pour lesquels il est considĂ©rĂ© particuliĂšrement stratĂ©gique pour le dĂ©veloppement de lâĂ©conomie. Dans le contexte insulaire de lâOcĂ©an Indien, lâintĂ©gration entre enjeux aĂ©roportuaires et filiĂšre touristique est particuliĂšrement forte, les infrastructures aĂ©roportuaires constituant les principaux points dâentrĂ©es de ces pays (Maurice, Madagascar, Seychelles). A lâinverse, les Comores, faiblement connectĂ©es au continent africain consĂ©quence du nombre limitĂ© de lignes aĂ©riennes directes, restent en marge des Ă©changes de flux de passagers et de marchandises.
Les stratĂ©gies des gouvernements sont gĂ©nĂ©ralement concentrĂ©es autour du dĂ©veloppement des aĂ©roports internationaux. Ainsi, le Burundi a fait de la rĂ©habilitation et lâextension de lâaĂ©roport international Melchior Ndadaye une prioritĂ©. Une dynamique similaire est visible au Kenya, avec lâextension et la rĂ©novation de lâaĂ©roport international Jomo Kenyatta ; ou encore en Ouganda (aĂ©roport international dâEntebbe) et en Tanzanie, avec la rĂ©novation et lâextension du Terminal 2 de lâaĂ©roport Julius Nyerere. Pour sâadapter Ă la demande croissante (pĂ©riode prĂ©-Covid-19), de nombreux pays envisagent (ou ont dâores et dĂ©jĂ initiĂ©) la construction de nouvelles infrastructures. LâEthiopie envisage la construction dâun mĂ©gahub aĂ©roportuaire Ă une cinquantaine de kilomĂštres au sud dâAddis-Abeba, un projet portĂ© par Ethiopian Airlines. En Ouganda, câest le dĂ©veloppement du projet dâexploitation des rĂ©serves pĂ©troliĂšres du lac Albert qui a justifiĂ© le lancement dâun projet dâaĂ©roport international de Kabaale/Hoima dĂ©marrĂ© en 2018 et financĂ© par lâagence de crĂ©dit export britannique. Les stratĂ©gies de dĂ©veloppement visant les aĂ©roports de taille moyenne sont plus erratiques voire inexistantes, et posent dans certains cas, le risque de construire des « Ă©lĂ©phants blancs ». Lâexemple de lâaĂ©roport dâIsiolo rĂ©habilitĂ© au Kenya est emblĂ©matique. Pourtant inaugurĂ© rĂ©cemment en 2017, il reste largement en dessous de sa capacitĂ© maximale de 125 000 passagers par an, avec actuellement aucun vol de compagnies commerciales rĂ©guliĂšres.
Les faibles marges de manĆuvre financiĂšres des autoritĂ©s nationales ainsi que les difficultĂ©s dâaccĂšs au financement peuvent contraindre le dĂ©veloppement de projets aĂ©roportuaires. Câest le cas notamment au Burundi, qui fait face Ă des difficultĂ©s pour financer ses projets de rĂ©habilitation/construction dâaĂ©roports internationaux ou secondaires, ou bien du Soudan. Lâampleur des investissements nĂ©cessaires pousse certains pays Ă Ă©tudier des solutions de financement telles que la mise en concession partielle ou de nouvelles formes de PPP, en Ethiopie par exemple, pour le financement du mĂ©gahub aĂ©roportuaire de Bishoftu, estimĂ© Ă 5 Mds USD.
Le soutien des bailleurs et agences de dĂ©veloppement au dĂ©veloppement des infrastructures aĂ©roportuaires se rĂ©duit progressivement. Les prioritĂ©s des bailleurs (a minima occidentaux) ont Ă©voluĂ©, le secteur aĂ©roportuaire Ă©tant de moins en moins considĂ©rĂ© comme un secteur prioritaire avec une rĂ©orientation des financements vers des secteurs participant Ă lâattĂ©nuation ou Ă lâadaptation au changement climatique. AFD par exemple, qui a contribuĂ© Ă la rĂ©habilitation de certains aĂ©roports, au Kenya, en Ethiopie, en Somalie notamment, ne finance plus prioritairement les infrastructures aĂ©roportuaires.
Une coopĂ©ration active avec la France et les entreprises françaises, parallĂšlement Ă lâarrivĂ©e de nouveaux acteurs
La coopĂ©ration entre la France et les pays dâAEOI dans le secteur aĂ©roportuaire est importante. Plusieurs FASEP ont Ă©tĂ© financĂ©s par le TrĂ©sor français. Au Rwanda, un projet gestion du trafic de drones dans la zone de lâactuel aĂ©roport de Kigali avec lâentreprise InnovâATM, la Rwanda Airport Company et la Rwanda Civil Aviation Authority a Ă©tĂ© financĂ©. Tandis quâen Tanzanie, est menĂ©e une Ă©tude de faisabilitĂ© par Bouygues et ADPI en vue de la rĂ©novation et de lâextension du terminal 2 de lâaĂ©roport international Julius Nyerere. A Djibouti, ADPi et Egis rĂ©alisent une Ă©tude pour la modernisation des capacitĂ©s aĂ©roportuaires du pays Ă©galement financĂ©e par un FASEP.
Les entreprises françaises sont prĂ©sentes sur une vaste diversitĂ© de segments du secteur aĂ©roportuaire dans la rĂ©gion AEOI. Une prĂ©sence historique de ces entreprises est Ă noter dans certains pays, Ă lâinstar de la Tanzanie par exemple, oĂč le terminal 2 de lâaĂ©roport international Julius Nyerere a Ă©tĂ© construit par le groupe Bouygues dans les annĂ©es 1980 et Ă©quipĂ© de divers Ă©quipements français. La prĂ©sence française est relativement diversifiĂ©e. Dans le domaine de lâingĂ©nierie et de la construction, les activitĂ©s dâEgis, Bouygues ou ADPi sont Ă relever. La fourniture dâĂ©quipements de gestion du trafic aĂ©rien (radars, simulateurs, systĂšmes de contrĂŽle) et de matĂ©riels spĂ©cialisĂ©s est un marchĂ© intĂ©ressant pour les entreprises françaises (ThalĂšs, Smith Detection). Les entreprises sont Ă©galement actives dans les services aĂ©roportuaires : restauration (Newrest, Nas-Servair), boutiques duty-free (LagardĂšre). Des fonds dâinvestissement comme Meridiam peuvent aussi ĂȘtre prĂ©sents sur des formats de type PPP (comme Ă Madagascar). Les nouveaux projets aĂ©roportuaires envisagĂ©s, au Rwanda, en Tanzanie, Ouganda ou Ethiopie constituent autant dâopportunitĂ©s pour les entreprises françaises dĂ©jĂ prĂ©sentes ou de nouveaux entrants.
Le dynamisme du secteur aĂ©roportuaire dans la rĂ©gion est un facteur dâattraction pour dâautres acteurs, notamment issus de pays Ă©mergents, tant pour le financement que la construction ou lâexploitation des aĂ©roports. LâExim Bank of China a dâores et dĂ©jĂ financĂ© plusieurs projets dans la rĂ©gion, Ă lâinstar de lâextension et de la rĂ©habilitation de lâaĂ©roport dâEntebbe en Ouganda (prĂȘt de 200 MUSD) ou lâaĂ©roport Bole en Ethiopie (345 MUSD financĂ© via deux prĂȘts). Le Qatar a rĂ©cemment manifestĂ© un intĂ©rĂȘt pour le secteur aĂ©roportuaire au Rwanda, en annonçant la prise de participation de la compagnie aĂ©rienne Qatar Airways Ă 60 % dans le capital de la sociĂ©tĂ© de projet NBIA (New Bugesera International Airport.) Outre cette participation, Qatar Airways avait Ă©galement annoncĂ© sa prise de participation Ă 49 % dans le capital de la compagnie nationale RwandAir. Sur le segment de lâexploitation et de la construction : la gestion de lâaĂ©roport de Mogadiscio a Ă©tĂ© confiĂ©e en 2013 au groupe turc Favori, le terminal 3 de ZIA Ă Zanzibar Ă la filiale dâEmirates DNATA (Emirats arabes unis) tandis que la China Civil Engineering Construction Corp (CCECC) a signĂ© des accords avec lâEtat du Puntland pour la construction de lâaĂ©roport de Bosaso. La China Communications Construction Company a par ailleurs rĂ©alisĂ© les travaux de rĂ©novation et dâextension de lâaĂ©roport Bole en Ethiopie.
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